Un peu de droit

Pour aborder l’épineuse question de la crise des migrants, le démographe François Héran a une image : celle du « pas suspendu des migrants ». 

« Je suis là, au-dessus de la frontière, j’ai le droit de lever le pied, de quitter mon pays, mais je ne peux pas le reposer de l’autre côté de cette frontière ».

Cette situation s’explique par un paradoxe : il existe, dans le droit et les conventions internationales, un droit à l’émigration. Tout homme a le droit de quitter un pays, y compris le sien. Cette disposition, créée dans les années 1950, avait notamment pour but de permettre aux habitants des pays communistes d’être accueillis dans le reste du monde.

En 1951, lors de la Convention de Genève, les Nations Unies, par le biais de leur Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) établissent le statut de réfugié. Il s’agit de la mise en vigueur de l’article 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, selon laquelle toute personne, en cas de persécution, a le droit de chercher asile dans un autre territoire. Est ainsi concernée « toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social, ou du fait de ses opinions politique », et qui ne veut pas se réclamer de la protection diplomatique ou consulaire du pays qu’il fuit.

Cette convention a été ratifiée par 145 Etats, dont les Etats-Unis, la Russie, l’Inde, ou l’Arabie-Saoudite ne font pas partie… au contraire des 28 pays de l’Union Européenne et de la Turquie.

Le problème ? Ces dispositions restent incomplètes : il n’existe pas la réciproque, c’est-à-dire le droit à (é)migrer, à entrer dans un pays étranger. Le droit de sortie s’est libéré (du moins en théorie), mais pas le droit d’entrée. On se trouve donc face à une situation asymétrique : un droit de quitter son pays sans droit équivalent d’entrer dans un autre pays, c’est-à-dire des populations condamnées à une situation de « pas suspendu ».

De ce paradoxe découlent nombre de problèmes liés à l’immigration : la question du souverainisme, volonté d’un Etat de conserver un droit souverain sur les entrées (ou non) de telles populations sur son territoire.

Mais face à des politiques se réclamant d’un « droit absolu à contrôler qui entre sur le territoire », il convient de rappeler une chose : à partir du moment où ces mêmes autorités ont signé des conventions internationales appliquant le droit de quitter son pays, d’épouser qui on veut, le droit au regroupement familial, le droit d’asile, … alors il n’existe plus de droit absolu à dire qui on n’accepte ou pas. A moins de se retirer des conventions internationales. Mais à ce moment-là, il faut avoir le courage de le dire… et d’en assumer les conséquences.

Et pour aller plus loin :

 

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